Nouvelles exigences concernant la preuve pour les appels en matière de marques de commerce

Adam Chisholm, Paola Ramirez Et Yu Meng Fang
2025-05-20 11:15:53

Une modification récente apportée à la Loi sur les marques de commerce du Canada change la dynamique des appels en matière de marques de commerce, de sorte qu’il est plus important que jamais pour les parties de présenter leurs meilleurs arguments dès le départ.
À partir du 1ᵉʳ avril 2025, les parties qui font appel d’une décision du registraire des marques de commerce devant les cours fédérales n’auront plus le droit de présenter spontanément des preuves additionnelles en appel. Selon l’article 56(5) modifié de la Loi sur les marques de commerce, ils doivent plutôt obtenir la permission de présenter une preuve qui n’a pas été produite antérieurement devant le registraire.
Histoire de la législation
La nouvelle exigence relative à la permission de présentation de preuves en appel s’inscrit dans le cadre de réformes plus larges introduites dans le cadre de la Stratégie en matière de propriété intellectuelle de 2018 du gouvernement du Canada, qui visent « à renforcer, à moderniser et à améliorer l’efficience et l’efficacité du régime des marques de commerce du Canada ». Les modifications ont été adoptées par le projet de loi C-86, Loi nº 2 portant exécution du budget de 2018, qui a reçu la sanction royale le 13 décembre 2018.
Bien qu’elle ait été adoptée en 2018, la modification de l’article 56(5) de la Loi sur les marques de commerce n’est pas entrée en vigueur immédiatement. La mise en œuvre a été reportée jusqu’à ce que les règlements et les procédures puissent être élaborés.
Finalement, le 5 février 2025, un décret a été publié fixant au 1ᵉʳ avril 2025 la date d’entrée en vigueur des autres modifications prévues par le projet de loi C-86, y compris la nouvelle permission prévue au paragraphe 56(5)[5]. Les règlements modifiés sont également entrés en vigueur le même jour.
Régime antérieur
Avant la modification, l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce permettait aux parties faisant appel d’une décision du registraire de présenter de plein droit des preuves additionnelles en appel. Celles-ci entraînaient souvent un réexamen de l’affaire de novo par les cours fédérales, qui n’accordaient que peu ou pas de déférence aux conclusions du registraire sur les points touchés par les preuves additionnelles.
Pour que la Cour entreprenne un examen de novo, les nouveaux éléments de preuve devaient être jugés pertinents, suffisamment importants et de valeur probante pour avoir une incidence potentielle sur les conclusions du registraire.
Ce cadre a incité des parties à ne pas divulguer certains éléments de preuve jusqu’à la phase d’appel. Selon l’analyse d’impact réglementaire du gouvernement, cette tactique était souvent utilisée pour éviter la divulgation publique associée aux présentations devant la Commission des oppositions des marques de commerce (la « COMC »), dans le cadre desquelles le dossier est rendu public. En revanche, les éléments de preuve présentés à la cour d’appel pourraient éventuellement être mis sous scellés.
Cette dynamique a contribué à la constitution de dossiers de preuve incomplets présentés devant la COMC et a effectivement nui au processus de litige, générant des inefficacités et des procédures redondantes. Le gouvernement a qualifié ce phénomène de « double litige », dans le cadre duquel une contestation complète de la preuve se répète en appel, ce qui est contraire aux objectifs d’efficacité et de finalité.
Consultations réglementaires et commentaires
L’Institut de la propriété intellectuelle du Canada, dans son mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce en 2018, a appuyé l’objectif des modifications exigeant l’obtention d’une permission de présentation de nouveaux éléments de preuve et permettant des ordonnances de confidentialité, à savoir décourager le fractionnement de la preuve et encourager les parties à constituer un dossier de preuve complet devant le registraire.
Les modifications proposées au Règlement sur les marques de commerce ont fait l’objet de trois séries de consultations menées par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») entre 2022 et 2023. La consultation préliminaire, tenue le 11 avril 2022, a été la première occasion de présenter les modifications proposées aux professionnels des marques de commerce et à la communauté des agents. Une deuxième série de consultations a suivi en mai et juin 2022.
Ces consultations s’adressaient aux associations de propriété intellectuelle et aux membres du barreau de la propriété intellectuelle et visaient à recueillir des commentaires détaillés sur des changements spécifiques destinés à améliorer la prestation de services.
Plus tard dans l’année, l’OPIC a lancé une troisième consultation à plus grande échelle. Cette consultation de 75 jours, qui s’est déroulée du 21 novembre 2022 au 3 février 2023, a sollicité les commentaires et les suggestions des professionnels des marques de commerce, des parties prenantes nationales et internationales et des membres du public qui s’intéressaient au régime canadien des marques de commerce.
Dans l’ensemble, les commentaires reçus ont été largement positifs et ont contribué à façonner la version finale des modifications proposées au règlement.
Équilibre entre efficacité, équité et principes de droit administratif
Les modifications de 2025 apportées à la Loi sur les marques de commerce ont introduit des changements de procédure et de fond pour renforcer le processus d’appel en matière de marques de commerce.
Pour prendre en compte les préoccupations concernant la divulgation publique d’informations sensibles en première instance, les modifications ont introduit un mécanisme permettant de demander des ordonnances de confidentialité devant la COMC. Ensemble, le nouveau mécanisme de confidentialité et l’obligation d’obtenir la permission de présentation d’éléments de preuve additionnels en appel visent à favoriser l’efficacité procédurale tout en préservant l’équité.
L’objectif est de veiller à ce que le dossier de preuve présenté devant le registraire soit aussi complet que possible, afin de minimiser les procédures redondantes et d’encourager les parties à défendre pleinement leur cause dès le départ.
Les modifications alignent également davantage les appels en matière de marques sur les principes du droit administratif, tels qu’ils ont été clarifiés par la décision de la Cour suprême dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov.
Dans cette affaire, la Cour a confirmé que les appels statutaires contre des décideurs administratifs sont généralement soumis aux normes de contrôle applicables en appel, le bien-fondé s’appliquant aux questions juridiques et l’erreur palpable et dominante, aux constatations factuelles.
Dans le contexte des marques de commerce, la Cour d’appel fédérale a depuis statué que lorsqu’aucun nouvel élément de preuve n’est présenté en appel, les cours fédérales doivent effectuer un examen en appel de la décision du registraire, plutôt que de lui substituer leur propre appréciation des faits.
Les modifications de 2025 renforcent ce cadre d’appel, réservant l’examen de novo uniquement aux cas où les cours fédérales accordent la permission de présentation d’éléments de preuve nouveaux et importants. Comme sous le régime antérieur, le caractère substantiel des nouveaux éléments de preuve, y compris leur fiabilité, reste un élément clé pour déterminer si un examen de novo est justifié.
Perspectives
La nouvelle exigence relative à l’obtention de permission de présentation prévue au paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce introduit un changement de procédure important pour les appels en matière de marques de commerce. Auparavant, les parties avaient le droit de présenter spontanément de nouveaux éléments de preuve en appel, l’approche de la cour fédérale dépendant de leur caractère substantiel.
Désormais, les parties doivent demander et obtenir la permission de présenter de nouveaux éléments de preuve, ce qui devrait encourager la présentation d’une preuve complète au cours de la procédure initiale devant le registraire. Nous prévoyons que les cours fédérales se concentrent sur l’établissement des critères précis pour accorder cette permission.
Nous nous attendons à ce que le caractère substantiel des preuves proposées, y compris leur fiabilité et leur valeur probante, continue d’être un élément clé. Nous nous attendons également à ce que les cours fédérales tiennent compte de la disponibilité plus rapide des éléments de preuve et de la justification du retard à les présenter. Elles peuvent aussi préciser ces considérations et les intégrer à d’autres exigences en matière de permission dans le cadre de critères semblables à ceux des « circonstances exceptionnelles ».
À propos des auteurs
Adam Chisholm est reconnu pour son expertise des marchés des capitaux et des valeurs mobilières, de la propriété intellectuelle, du droit administratif et du droit public chez McMillan.
Paola Ramirez est une avocate plaidante stratégique qui accompagne ses clients dans le cadre de litiges commerciaux complexes chez McMillan.
Yu Meng Fang est stagiaire en droit chez McMillan.