Traiter les clauses de réaménagement dans les baux commerciaux
Stuart Chaimberg Et Matthew Marriott
2023-02-21 11:15:00
Les propriétaires souhaitent souvent réaménager leurs locaux pour les moderniser, y apporter des améliorations et, en fin de compte, augmenter le potentiel locatif et la valeur sous-jacente de leurs actifs.
Les locataires, quant à eux, veulent avoir la certitude que leur contrat de location ne sera pas interrompu, sauf dans des circonstances bien précises et convenues. Que vous soyez propriétaire ou locataire d’un immeuble commercial, il est important de structurer très attentivement les clauses de réaménagement, en tenant compte des rénovations et des réaménagements souhaités à l’avenir.
Les trois éléments suivants sont particulièrement importants dans toute clause de réaménagement : 1) le droit au réaménagement; 2) le droit à la relocalisation du locataire; et 3) le droit à la résiliation de la location. Le présent article vous indiquera ce que vous devez surveiller lorsque vous devez traiter ces éléments.
Le droit au réaménagement
Le point de départ pour traiter une proposition de réaménagement est de déterminer si le propriétaire a le droit de réaménager ses locaux. Si le bail contient une clause de réaménagement, il est important d’examiner attentivement l’étendue du droit conféré par la clause à cet égard.
Un locataire qui souhaite demeurer dans les locaux loués peut contester les réaménagements proposés qui outrepassent le droit au réaménagement conféré par le bail. En effet, une clause de réaménagement qui permet simplement des modifications ne donnera pas aux propriétaires la même latitude de réaménagement qu’une clause qui permet la démolition. Les termes spécifiques choisis détermineront l’étendue du droit au réaménagement prévu dans le bail.
Lors de la rédaction d’une clause de réaménagement, il est important de garder à l’esprit que plus un locataire est touché par le réaménagement proposé, plus la clause doit être précise et détaillée. Par exemple, dans la cause Michael Santarsieri Inc. c. Unicity Mall Ltd, le bail prévoyait que [traduction] « le propriétaire se réserve le droit de modifier la taille et les dimensions des bâtiments, leur nombre et leur emplacement… ». Le tribunal a estimé que cette disposition n’était pas suffisamment claire et qu’elle n’envisageait pas la démolition et le remplacement des parties communes.
Il est également important d’examiner si le réaménagement pourrait avoir une incidence sur d’autres restrictions. Parmi les éléments à surveiller, citons (sans toutefois se limiter) le stationnement, les dispositions relatives aux nuisances, les frais d’exploitation, la visibilité, l’affichage, l’accès, les interruptions de service et les interdictions de construire.
Le droit à la relocalisation du locataire
Tout propriétaire qui souhaite procéder à un réaménagement de ses locaux doit également déterminer s’il peut procéder à la relocalisation du locataire pendant le projet. Pour que le propriétaire puisse relocaliser le locataire, le bail doit le permettre spécifiquement.
Pour établir le droit à la relocalisation, l’avocat doit se demander si le droit conféré est permanent ou temporaire, si les délais et les périodes de préavis sont précisés, ainsi que les circonstances exactes qui donnent lieu au droit à la relocalisation (réaménagement, démolition, reconstruction, rénovations, transformation, etc.).
Le droit à la relocalisation peut se limiter au site actuel ou permettre au propriétaire de relocaliser le locataire ailleurs, car la taille et la configuration des nouveaux locaux dans lesquels le locataire sera relocalisé peuvent varier.
L’importance de choisir soigneusement le libellé d’une clause de réaménagement ou de relocalisation est exprimée dans l’arrêt Millenium Veterinary Hospital Corporation c. SR&R Bay Ridges Ltd (« Millenium »). En effet, le bail dans l’affaire Millenium prévoyait ce qui suit :
« 12B. Nonobstant toute disposition des présentes, le Propriétaire a le droit à tout moment de déplacer les Locaux loués, à condition que le nouvel emplacement des Locaux loués soit de dimension similaire et que le loyer des Locaux loués demeure inchangé. Si le Propriétaire fait parvenir par écrit un avis au Locataire relativement à la relocalisation des Locaux loués après que le Locataire ait commencé ou achevé l’installation de cloisons ou apporté d’autres améliorations locatives, le Propriétaire doit fournir au Locataire des cloisons similaires et d’autres améliorations locatives de qualité égale. La relocalisation des Locaux loués n’a pas d’incidence sur les autres clauses ou conditions du Bail.
12C. Si le Propriétaire souhaite construire un centre commercial intérieur dans les locaux connus sous le nom de Bay Ridges Plaza, il doit faire parvenir par écrit un avis de son intention, et 180 jours après l’envoi de l’avis susmentionné ou avant si un nouveau bail est signé entre les parties, le présent bail devient nul à toutes fins que ce soit. À la réception de l’avis susmentionné, le Locataire dispose du premier droit et de l’option de louer les locaux actuellement loués par le Propriétaire dans le cadre d’un nouveau bail au prix du marché. »
Le propriétaire a fait valoir qu’il pouvait relocaliser le locataire dans des locaux situés dans un autre centre commercial. Toutefois, la Cour d’appel (qui semble avoir fait un renvoi à 12(a) au lieu de 12B et à 12(b) au lieu de 12C) a jugé que le propriétaire était seulement autorisé à relocaliser le locataire dans d’autres locaux à l’intérieur du centre commercial, et qu’il ne pouvait pas le relocaliser dans des locaux situés dans un endroit différent à l’extérieur du centre commercial en question.
Ceci démontre à quel point il est important de définir exactement et de manière détaillée le droit que vous souhaitez obtenir en cas de réaménagement des locaux. Pour pouvoir relocaliser un locataire dans un autre lieu, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du périmètre du lieu en question, vous devez indiquer explicitement que le droit à la relocalisation prévu au bail prévoit ce point, de la part du propriétaire.
Le droit à la résiliation de la location
Si un propriétaire n’est pas en mesure de relocaliser un locataire pendant la période de réaménagement, il doit déterminer s’il peut résilier la location afin que le réaménagement proposé puisse prendre effet. Pour que le propriétaire puisse résilier la location, une clause doit être explicitement prévue à cet effet dans le bail.
Lors de la rédaction de la clause de réaménagement permettant cette résiliation, les rédacteurs doivent tenir compte des délais et des périodes de préavis, des circonstances spécifiques qui donneront lieu au droit à la résiliation (réaménagement, démolition, reconstruction, rénovations, transformation), ainsi que des obligations de restauration, des sommes versées au locataire en compensation des frais non amortis et de la perte de profits futurs, et des droits potentiels de relocalisation dans un autre centre ou du droit de première opportunité de louer des locaux dans le nouveau lieu (entre autres).
Les tribunaux qui se sont penchés sur la portée du droit à la résiliation conféré par une clause de réaménagement soulignent l’importance de choisir très soigneusement la formulation d’une telle clause. Les tribunaux donneront effet au contrat tel qu’il est rédigé; il est donc important que les propriétaires tiennent explicitement compte de toutes les possibilités de réaménagement prévisibles.
Dans la cause Corporation First Capital (Wilderton) Inc. c. Metro Richelieu Inc. (« FC Wilderton »), le propriétaire a envoyé au locataire un avis de son intention de résilier le bail, car il souhaitait procéder au réaménagement du centre commercial. La cause portait sur le droit d’un propriétaire de résilier le bail en cas de réaménagement.
Le locataire a finalement refusé de quitter les lieux, affirmant que la clause de réaménagement était invalide et inapplicable. Le locataire a fondé son argument sur le fait que le terme « réaménagement » était imprécis, subjectif et indéterminé, car il pouvait inclure une multitude d’activités allant de la rénovation de l’immeuble à sa démolition partielle ou totale.
La Cour supérieure n’a pas retenu l’argument du locataire, déclarant que bien qu’un projet de réaménagement puisse prendre plusieurs formes, cela ne signifiait pas que le concept de réaménagement était ambigu au point d’empêcher les parties d’en comprendre le sens dans le contexte du bail. Il était plutôt raisonnable de conclure que le droit à la résiliation surviendrait lorsque le propriétaire souhaiterait entreprendre des travaux importants, comme la démolition ou la reconstruction des locaux.
Dans la cause Meridian C C Intl Inc. c. 2745206 Ontario Inc. (« Meridian »), le juge souligne l’importance de choisir avec soin la formulation de la clause de réaménagement. Dans cette cause, le bail contenait une clause qui permettait au propriétaire de résilier le bail moyennant l’envoi d’un préavis de 180 jours s’il souhaitait transformer ou démolir toute partie des locaux [traduction] « dans la mesure où l’occupation continue par le locataire devient impossible ».
Lorsque le propriétaire a tenté de faire appliquer la clause de résiliation, le locataire a résisté et a demandé un jugement pour déclarer l’invalidité de la résiliation. La Cour supérieure a conclu que le propriétaire avait le droit d’exercer la clause de résiliation.
Toutefois, la Cour d’appel a jugé que la Cour supérieure avait omis de traiter la question de fait de savoir si les rénovations proposées par le propriétaire rendaient l’occupation continue du locataire impossible comme le stipulait le bail, ce qui a entraîné une erreur de droit. Par conséquent, l’appel du locataire a été accueilli et la cause a été renvoyée devant la Cour supérieure.
Meridian est un excellent exemple de l’importance de choisir avec soin la formulation d’une clause de réaménagement. Si le propriétaire d’un immeuble commercial prévoit un réaménagement important et souhaite se réserver le droit de résilier la location, il est important qu’il définisse les circonstances spécifiques qui lui permettront de le faire.
Dans la cause Meridian, l’accent mis sur la spécificité a été récemment renforcé par la Cour d’appel dans la cause Bennett Law Chambers Professional Corporation c. Camcentre Holdings Inc. (« Bennett »).
Dans cette cause, la Cour devait, une fois de plus, examiner la validité d’un avis de résiliation. Le bail en question contenait une disposition permettant au propriétaire de résilier le bail moyennant l’envoi d’un préavis de six mois si le propriétaire prévoyait (traduction) « de réaménager ou de reconstruire substantiellement le Projet dans la mesure où la vacance des Lieux loués est nécessaire ou opportune ou de démolir le bâtiment dont les Lieux loués font partie ».
La disposition de résiliation prévoyait également qu’un tel avis de résiliation ne serait valable que si le propriétaire obtenait (traduction) « tous les permis et toutes les autorisations nécessaires pour le début des travaux de réaménagement, de reconstruction ou de démolition en question. »
Comme condition préalable à la démolition, le propriétaire était tenu de retirer l’amiante du bâtiment, ce qui ne nécessite pas de permis, mais exige la vacance des lieux. Pour cette raison, la démolition ne devait commencer qu’après la période de préavis de six mois. Vers la fin de la période de préavis, le locataire a découvert que le propriétaire n’avait pas obtenu de permis de démolition et a refusé de quitter les lieux.
Dans un jugement de deux juges contre un, la Cour d’appel a approuvé la décision du juge saisi de la demande selon laquelle, comme le propriétaire aurait pu obtenir un permis conditionnel avant le désamiantage et la fin du délai de préavis, le propriétaire n’avait pas résilié le bail conformément à la clause de réaménagement.
Par cette décision, la Cour d’appel fournit de nouvelles orientations sur le plan de l’interprétation des clauses de réaménagement commercial. Elle souligne l’importance de choisir avec soin la formulation d’une clause de réaménagement, car les tribunaux tiendront compte des conditions préalables énoncées et veilleront à ce que le contrat soit strictement respecté, comme convenu à la signature.
Conclusion
Même si les situations abordées dans cet article proviennent d’un nombre limité de provinces, les principes juridiques énoncés sont pertinents et appliqués dans l’ensemble du Canada, autant au Québec que dans les provinces de common law. La leçon à tirer de ces décisions est que tous les baux doivent préciser clairement le droit au réaménagement dont les parties souhaitent se prévaloir.
Les concepts sous-jacents aux aménagements multifonctionnels et à la réaffectation de propriétés sous-utilisées ont contribué à une plus grande fréquence des clauses de réaménagement, de rénovation, de relocalisation et de résiliation anticipée dans les baux commerciaux.
Plutôt que d’aborder les locataires « les mains vides » avec une proposition de réaménagement, en espérant les convaincre d’accepter le projet du propriétaire (plutôt que d’être obligé de « composer avec la situation » du locataire), une clause de réaménagement attentivement rédigée dans un bail signé permettrait au propriétaire d’obtenir le niveau de flexibilité dont il a besoin.
La question de savoir si le droit au réaménagement doit s’appliquer immédiatement, après un certain nombre d’années ou seulement pendant les périodes de renouvellement ou de prolongation est un point à discuter et à négocier. De plus, les conditions préalables à l’exercice du droit au réaménagement, qu’il s’agisse d’une demande ou d’une approbation de permis, d’un changement de zonage ou autres, doivent être prises en compte.
Du point de vue du locataire, il est important que celui-ci s’assure de protéger adéquatement ses droits, que ce soit à l’égard de l’emplacement qu’il loue, du nouvel emplacement proposé, de la compensation financière en cas de résiliation anticipée du bail ou autre.
Me Stuart Chaimberg pratique le droit immobilier chez Miller Thomson, principalement dans le domaine des baux commerciaux.
Il conseille régulièrement des clients sur des concepts qui concernent autant la common law que le droit civil et qui font partie intégrante des baux commerciaux et autres transactions immobilières conclus au Canada.
Me Matthew Marriott est stagiaire chez Miller Thomson au sein du bureau de Toronto. Avant de fréquenter la faculté de droit, celui-ci a travaillé comme gestionnaire immobilier pour une grande société foncière résidentielle.