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L’avocate qui veut faire avancer le droit carcéral

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Delphine Jung

2018-04-03 15:00:00

Cette jeune femme veut faire avancer les droits des personnes incarcérées en fondant son propre cabinet en droit carcéral.

Tous les jours, Me Mélanie Martel se rend dans les prisons et les pénitenciers
Tous les jours, Me Mélanie Martel se rend dans les prisons et les pénitenciers
Tous les jours, Me Mélanie Martel se rend dans les prisons et les pénitenciers, tant ceux des hommes que des femmes. C'est là que se trouvent ses clients. L'avocate de 29 ans, diplômée de l'UQAM, pratique depuis son assermentation en 2013 le droit carcéral.

« J'aide les détenus à bâtir un dossier pour leur demande de libération conditionnelle », précise-t-elle.

Me Martel se destinait pourtant au début à une carrière en droit criminel. « J'ai toujours su que je voulais être avocate et plus précisément criminaliste, mais lorsque j'ai vu ce que c'était le droit criminel sur le terrain, j'ai un peu déchanté », confie-t-elle.

Me Martel se souvient de l'un des premiers dossiers qu'elle a plaidé en cour, celui de Frédéric Gagnon, sous le coup d'une interdiction de conduite. « Le dossier est allé en Cour d'appel et même en Cour suprême et je n'avais qu'un an et demi de pratique. Il y avait eu une dissidence en appel et finalement la Cour suprême a donné raison au premier jugement. Je me suis rendue compte que ce sont des décisions très politiques qui sont prises à ce niveau », raconte-t-elle.

D'après l'avocate, les échanges entre la défense et la Couronne peuvent varier d'un district à un autre, d'une personne à une autre. « Certains accusés préfèrent passer devant le tribunal de tel ou tel district, car ils savent qu'ils peuvent donner des peines différentes pour le même crime », poursuit-elle.

Un cabinet 100% féminin

Découragée, Me Martel en vient à se dire qu'elle ne voit pas où faire une différence. Sauf peut-être, en droit carcéral, un domaine peu répandu et dans lequel il n'est pas facile de se créer une clientèle.

C'est finalement grâce au bouche à oreille, dans les enceintes des différents pénitenciers québécois, que Me Martel réussit peu à peu à se trouver ses premiers clients. « C'est ma façon de montrer que je crois en leur réinsertion sociale, en leur projet. Je les aide aussi à trouver une thérapie, je les pousse à suivre des cours. Finalement, j'ai vu que ce travail me valorisait », dit cette jeune maman originaire de Joliette qui parcourt le Québec de long en large pour répondre aux besoins de sa clientèle.

Me Martel décide alors de fonder son propre cabinet. Aujourd'hui, il compte quatre avocates : Mes Bianka Savard Lafrenière, Joanie Nadeau et Marie Chouinard-Audet. Elles épaulent Me Martel qui, au départ, pensait rester seule à son compte. Le cabinet est donc 100 % féminin. Un pur hasard selon elle, qui ne rendrait pas le contact avec les prisonniers plus difficile.

Mettre les limites

« Il faut tout de suite mettre les limites dès que certains détenus ont des propos déplacés ou des demandes contraire à notre déontologie », assure-t-elle. Car évidemment, représentant l'un de leur seul lien avec l'extérieur, les avocats qui rendent visite aux détenus se voient parfois sollicités pour faire passer de la contrebande. Me Martel raconte qu'on lui a par exemple déjà demandé de faire passer des cigarettes. « Ce n'est rendre service à personne d'accepter. Ni à eux, ni à moi », dit-elle.

D'ailleurs, ce n'est pas qu'à cause des détenus qu'il peut être difficile d'entrer dans le milieu carcéral. « Les agents correctionnels ne nous accueillent pas souvent bien. On est des avocats et on défend des bandits pour eux. On vient remettre en cause tout le système qu'ils ont érigé », explique Me Martel.

Elle témoigne que certains d'entre eux, au début de sa carrière, n'hésitaient pas à la prendre de haut et à répondre « des niaiseries » dès qu'elle posait une question. « Maintenant ils me connaissent, ils savent que je ne suis pas une mauvaise personne », précise-t-elle.

Une affaire marquante

Et en a-t-elle peur, de ses clients d'ailleurs ? Pas vraiment, répond-elle. « Il y a peu de psychopathes dans les prisons. Ce sont plus souvent des toxicomanes, qui ont vécu des choses difficiles », assure-t-elle. Dénonçant parfois un manque de logique dans le système judiciaire canadien, l'avocate se dit encore marquée par une affaire qu'elle a traitée. Un deuxième coup dur dit-elle, après celui du cas Gagnon.

« J'avais comme client un jeune détenu au Super-Maximum (USD). » Il s’agit de l’Établissement Archambault, à Sainte-Anne-des-Plaines, qui enferme les criminels les plus dangereux du pays.

«Le DPCP avait déposé contre lui une requête pour le faire déclarer délinquant dangereux avec une détention indéterminée. Moi je voulais qu’il puisse bénéficier d’un programme de réhabilitation dans le cadre d’une sentence déterminée de prison. La juge a adhéré aux arguments de la Couronne dans ce dossier. Elle avait dit en plaidoirie « que mon client se croyait au pays des calinours ». J’ai réalisé que le système judiciaire n’avait rien compris des conditions de détention à l’USD et qu’il n’axait pas sur la réhabilitation et la réinsertion sociale des personnes incarcérées », se souvient-elle.

Me Mélanie Martel croit dur comme fer que certains n'ont pas leur place en prison, mais dans des institutions plus spécialisés.

Celle qui se dit passionnée par son métier a aussi récemment fondé l'Association des avocats carcéralistes progressistes, qui compte pour le moment une vingtaine de membre.

Une autre association appelée Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec existe depuis 1992, qui compte une quarantaine de membres.

Elle espère continuer de pouvoir informer le public sur les droits des personnes incarcérées.
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