Séance ciné : spécial Femmes

Céline Gobert
2012-03-09 16:00:00
Pour les avocates convaincues qu’elles atteindront, à force de détermination, le sommet
C’est le cas de la réalisatrice/actrice/scénariste Maïwenn. Je me souviens encore de la projection de son premier long métrage Pardonnez-moi. Une petite salle d’art et d’essai française, 5 personnes dans la salle (moi incluse), la naissance d’une artiste.
Et quelques années plus tard: rendez-vous avec des critiques élogieuses, et une pluie de nominations aux Césars, équivalent français des Jutra. Comme quoi.
Chez Maïwenn, le cinéma est une arme.

Hier, elle décortiquait ses traumas (Pardonnez-moi) et son entourage professionnel (dans Le Bal des actrices), aujourd’hui elle analyse et étale sur la table les vices d’une France violente à travers la peinture du quotidien de la Brigade de Protection des Mineurs.
Toujours, elle s’immisce au cœur des émotions (en se donnant ce rôle voyeur d’une photographe mandatée par le gouvernement), toujours elle bâtit une lumineuse œuvre d’art sur la sévérité du réel.
Ses instantanés, d’un réalisme poignant, sont autant de claques dans la figure, des doubles chocs : vérité sociale d’un côté, véracité cinématographique de l’autre. Sur un sujet casse-gueule où se côtoient des thématiques dont l’âpreté peut vite se muer en sordide (viols sur mineurs, pédophilie, toxicomanie, prostitution, etc.), elle édifie un chef d’œuvre, bien loin d’un pathos racoleur.
Sens du montage aiguisé, maîtrise du cadre incroyable, direction d’acteurs démentielle : chaque plan est d’une finesse folle où se déploient énergie et complicité. Polisse, bien loin de l’innocence de son générique enfantin, est d’une cruauté implacable : le film y brasse horreurs et atrocités, rendant hommage à ces lutteurs du quotidien, dénigrés au sein même de la police. Jamais écrasé par la noirceur de son sujet, il respire la vie, le combat, l’espoir.
Un film bâti sur une authenticité que Maïwenn ne cesse de cultiver et de défendre, depuis le premier jour.
P comme Portland
Pour les avocates qui pensent n’avoir besoin de personne pour parvenir jusqu’au but
A l’instar de l’héroïne de Disparue.
Jill Parrish a perdu ses deux parents, a été jetée au fond d’un trou en pleine forêt par un serial killer, a survécu. Entre temps, doutant de la véracité de ses dires, on l’a envoyée chez les fous. Forcément lorsque Molly, sa sœur et colocataire, disparaît dans la nature, la police ne croit pas au prétendu retour du maniaque. C’est un peu tout l’enjeu de ce thriller, classique et dans la forme et dans le fond : Jill est-elle timbrée ou poursuit-elle un vrai psychopathe ?
Ce n’est pas étonnant de voir trôner, en haut de l’affiche, la blonde Amanda Seyfried, récemment habituée aux personnages de femmes fortes et déterminées (la Chloé du canadien Egoyan, ou la Sylvia dans En temps). C’est elle qui insuffle toute l’intensité nécessaire à un thriller de facture correcte mais qui ne brille pas par son originalité.

L’histoire, mise en scène par le réalisateur brésilien Heitor Dhalia, dont c’est le premier film, est resserrée autour de l’enquête solo de la jeune fille. Ainsi épouse-t-elle efficacement tous les soubresauts de l’intrigue tout en déroulant un suspense impeccable malgré un schéma narratif ultra simplifié, et typiquement américain.
Même s’il ne dépasse jamais son statut (d’agréable) anecdote, Disparue s’aventure toutefois sur des terrains intéressants: une jolie relation sororale notamment, et une critique ouverte de la police américaine, dont l’inefficacité devient l'occasion parfaite d’amener un débat épineux autour de la question de la justice personnelle.